Véhicules autonomes : ce qu’il reste à faire quand la science-fiction devient réalité

  • 10 03 2021

De l’industrie des technologies de pointe aux acteurs du monde économique et politique en passant par les juristes, le sujet a percolé l’ensemble de la société ces dernières années. Peu féru de high-tech, vous pensez que cela ne vous concerne pas (encore). Détrompez-vous ! Les retentissements du développement de la conduite automatisée seront nombreux et si s’adonner à d’autres occupations au volant n’est pas à l’ordre du jour, le contour d’incidences proches et moins proches peut déjà être tracé. Les raisons de s’intéresser dès à présent à la question ne manquent pas.


Les prévisions relatives à l’arrivée dans notre paysage routier de véhicules autonomes ne sont pas uniformes. Les optimistes avaient annoncé l’arrivée des premiers modèles dès 2020. Si les Etats-Unis et la Chine sont en tête de la course dans le domaine, l’Union européenne n’est pas en reste et les tests se multiplient sur nos routes. Bref, il s’agit bel et bien d’une réalité qui se fait chaque jour plus proche de nous. Pensons par exemple à la navette autonome et 100% électrique de la STIB, SAM-e, qui a pu être testée par plusieurs voyageurs en 2019. 

De nombreux bénéfices … pour quelques inconvénients ?

Les attentes sont légion, parmi lesquelles la réduction du nombre d’accidents (ceux-ci étant principalement dus à l’erreur humaine), un trafic plus fluide grâce à la gestion optimale de l’environnement, une indépendance accrue des personnes à mobilité réduite ainsi que la baisse de consommation de carburant combinée au renforcement de la transition vers l’énergie électrique.

Mais toute médaille a son revers : d’aucuns ont souligné certains aspects négatifs comme les inégalités sociales face aux prix élevés qui seront pratiqués au lancement de ces véhicules sur le marché ou encore le bouleversement des secteurs du transport (perte d’emplois) et des assurances (un risque moins élevé implique des primes amenées à diminuer). Relevons en outre que selon l’IBSR, quatre Belges sur dix - dont 53% de conducteurs de plus de 55 ans - sont préoccupés par leur liberté de conduire et rechignent à abandonner le contrôle de leur véhicule (1).

Des questions se posent

Le développement de tels produits et leur arrivée dans notre vie quotidienne soulèvent un grand nombre d’interrogations. D’un point de vue éthique tout d’abord, des études importantes sont consacrées aux terribles choix à faire en cas d’accident inévitable. Le programme sera en effet amené, dans ces circonstances, à prendre sur le vif des décisions quant aux vies humaines transportées ou rencontrées. Le Massachusetts Institute of Technology a d’ailleurs élaboré un questionnaire en ligne regroupant différentes situations que vous pouvez résoudre (2). Le but est de sonder l’opinion de la société quant à la manière dont les machines doivent se comporter  face à ces hypothèses dilemmatiques.

Ensuite, une attention particulière doit être portée aux problématiques de cybercriminalité, dont le piratage et la protection de la vie privée. Le système de pilotage n’est à l’abri ni des hackers, ni du vol de données personnelles qui y sont contenues. Le droit et ses multiples acteurs auront un rôle important à jouer sur ce plan.

Enfin, il est indéniable que le droit de la circulation routière et les principes relatifs à la responsabilité vont connaître certaines mutations. On peut notamment s’interroger sur le maintien de la répression de la conduite sous l’influence de l’alcool ou de l’usage du GSM au volant une fois que les véhicules parfaitement autonomes seront mis en circulation …

L’autonomisation sera bien-sûr graduelle et l’on peut se référer, pour apprécier cette progressivité, à l’échelle élaborée par la Society of Automotive Engineers International (SAE). Cette classification comprend six niveaux, allant de la simple assistance à la conduite au full driving automation, c’est-à-dire un véhicule complètement autonome et opérationnel en tout lieu. Face à la maîtrise toujours plus englobante par le système des opérations de conduite, la portée de la responsabilité personnelle (sur la base de l’article 1382 du Code civil) de l’utilisateur va s’amenuir.

L’intervention de plus en plus limitée du conducteur diminue assurément le risque de commettre une négligence, et ainsi de voir sa responsabilité pour faute engagée. Il n’est pas inintéressant de noter que des dispositifs d’assistance qui nous sont aujourd’hui bien connus, comme les systèmes de détection d’angle mort, d’allumage automatique des feux ou les radars de recul sonores, exercent une influence sur le devoir de prudence dans le chef du conducteur puisqu’ils mènent à un affaiblissement du standard de conduite.

Le conducteur doit en principe pouvoir compter sur le bon fonctionnement de ces différents outils et il paraîtrait démesuré de lui imputer une faute s’il s’est déporté alors que le voyant du système de détection d’angle mort ne s’est pas allumé, un véhicule s’y trouvant pourtant.

Toutefois, à un stade plus avancé d’automatisation, lorsque le système prend en charge les mouvements du véhicule tout en exigeant une supervision des opérations par le conducteur, un manquement pourrait facilement lui être reproché s’il a été inattentif ou s’il n’a pas répondu avec diligence aux alertes de reprise du contrôle du véhicule (3).

D’autres régimes de responsabilité organisés par le droit belge sont amenés à être mobilisés : nous pensons à la responsabilité objective du producteur prévue par la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux (4)  (la personne lésée pourrait en cas de défaut du système de conduite assigner le producteur du véhicule, produit fini, mais aussi le concepteur du logiciel, partie composante du produit, les deux étant dans ce cas tenus solidairement) ou la responsabilité du gardien d’une chose vicieuse, prévue à l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil (5).

Voici autant de questions qui méritent, à côté de bien d’autres encore, d’être approfondies et longuement étudiées. Les enjeux sociétaux sont grands et nous ne pouvons qu’espérer une coordination efficace des différents secteurs pour une transition réussie.

Joséphine Hougardy  

 


1: Communiqué de presse du 7 avril 2017, disponible sur https://www.vias.be/fr/newsroom/voiture-autonome-seuls-4-belges-sur-10-preoccupes-par-leur-liberte-de-conduire

2: Questionnaire disponible sur https://www.moralmachine.net/

3: T. MALENGREAU, « Automatisation de la conduite : quelles responsabilités en droit belge ? », R.G.A.R., 2019, n°15578. 

4: M.B., 22 mars 1991. 

5: Voy. à ce sujet les études détaillées de D.-A. SAUVAGE. « Les véhicules autonomes et le droit de la circulation », R.G.D.C., 2020, pp. 258-288 et T. MALENGREAU, op. cit., n°15578 ; 15582

 

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