Le dossier médical

Dossier médical : un allié de droit

Outil de communication et de collaboration, le dossier médical[1]-[2] joue un rôle crucial en assurant la continuité et la coordination des soins de santé.

Il est le garant de soins efficaces et de qualité. D’une part, le dossier médical permet moyennant le respect de certaines conditions l’échange d’informations entre professionnels de la santé. D’autre part, il aide au partage et à la coopération entre le praticien et son patient. Entre incompréhensions et droits méconnus, la question du dossier médical et surtout de l’accès à celui-ci cristallise les tensions qui caractérisent la rencontre de deux univers : le droit et la médecine.

Le dossier médical se situe au carrefour de différents textes légaux, réglementaires et déontologiques. On peut épingler trois textes essentiels :

  • la loi relative aux droits du patient[3], qui reconnaît à ce dernier le droit, de la part de son praticien professionnel, à un dossier soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr[4]-[5],
  • l’article 22 du Code de déontologie médicale qui exige du médecin qu’il tienne à jour pour chaque patient un dossier conforme aux exigences légales et déontologiques
  • la loi relative à la qualité de la pratique des soins de santé[6], dite « loi qualité », qui régit le contenu et la durée de conservation du dossier médical.

Quel est le contenu d’un dossier médical ?

Les éléments minimaux devant être mentionnés par le professionnel des soins de santé, dans les limites de ses compétences, sont listés à l’article 33 de la « loi qualité » et recouvrent trois grandes catégories d’informations :

  • l’identité du patient et des professionnels de santé intervenus dans la prise en charge du patient,
  • la prise en charge médicale (des raisons qui ont poussé le patient à consulter aux soins qui lui sont prodigués ainsi que son évolution)
  • le respect des obligations incombant aux praticiens professionnels en application de la loi relative aux droits du patient. En effet, celle-ci impose que le dossier du patient fasse mention notamment
    • des échanges avec la persnne de confiance[7],
    • de la décisin du médecin de recourir à l’exception thérapeutique[8],
    • du refus de cnsentir à une intervention déterminée ;
    • à la demande du patient, des dcuments fournis par lui le concernant. Cette possibilité réservée au patient de demander que figurent au dossier médical les documents qu’il fournit à son praticien témoigne d’une relative maîtrise du patient sur son dossier. Il n’a toutefois pas le pouvoir de faire retirer ni de rendre inaccessibles certaines pièces.
    • en utre, il paraît judicieux que soient intégrées au dossier du patient les données relatives à un éventuel accident thérapeutique, comme la survenance d’effets indésirables. Une telle indication permet au patient de vérifier ce que contient son dossier à ce sujet, vérification d’autant plus importante que c’est sur base que la décision de se lancer dans une procédure judiciaire sera prise.

Quelle est la durée de conservation d’un dossier médical ?

L’article 35 de la « loi qualité » prévoit une règle uniforme, applicable tant aux dossiers hospitaliers que non hospitaliers. Cette durée est fixée à trente ans minimum et cinquante ans maximum à compter du dernier contact avec le patient.

Qui a accès au dossier médical ?

Le dossier médical est couvert par le secret professionnel (visé à l’article 458 du Code pénal), ce qui implique que le praticien ne peut y donner accès sauf les cas où il doit témoigner en justice ou lorsque la loi l’y oblige.

Notons toutefois que le professionnel de la santé peut refuser de dévoiler en justice le secret dont il est le dépositaire, à condition qu’il ne détourne pas le secret professionnel de son objet ou de la nécessité sociale qui le justifie.

L’intérêt du patient sera le critère déterminant quant à savoir si le médecin peut valablement se prévaloir du droit au silence. Le secret ne s’applique pas à la relation entre le praticien et le patient, tous deux impliqués dans la prise en charge médicale.

Malheureusement, le secret médical a (trop) souvent été abusivement invoqué à l’encontre de patients soupçonnant une erreur médicale et qui demandaient l’accès à leur dossier.

Nous avons progressé vers une plus grande transparence mais le droit belge a pendant longtemps été dépourvu de base légale reconnaissant au patient un droit d’accès direct à ses données médicales ou obligeant le professionnel de la santé à les lui communiquer.

Cette lacune fut comblée par la loi relative aux droits du patient puisque l’article 9, paragraphe 2, consacre le principe de la consultation directe par le patient du dossier le concernant[9].

Le droit de consultation s’applique à la médecine d’assurance : le médecin-conseil (expert) d’une compagnie d’assurance est un praticien professionnel qui détermine l’état de santé d’une personne. Ainsi, toute estimation même provisoire d’un médecin-conseil, d’un contrôleur ou d’un expert fait partie intégrante du dossier du patient et doit lui être accessible en vertu de l’article 9 précité.

 

ACCES AU DOSSIER MEDICAL : TABLEAU SYNOPTIQUE

Le patient concerné : principe

(article 9 de la loi relative aux droits du patient)

Le patient a le droit de consulter son dossier et d’en prendre copie. La consultation doit se faire dans les meilleurs délais et au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la requête.

Le droit de consultation s’étend à l’intégralité du dossier exception faite des annotations personnelles du praticien et des données concernant les tiers. Les annotations personnelles correspondent aux notes que le praticien professionnel a dissimulées à des tiers, voire aux autres membres de l’équipe de soins, qui ne sont jamais accessibles et qui sont réservées à son usage personnel. Le patient ne peut y avoir accès que par l’intermédiaire d’un autre praticien professionnel. Les données concernant les tiers renvoient aux données relatives à la santé, à la vie privée et à l’intimité des tiers.

Deux nuances doivent être apportées :

1° Le recours à l’exception thérapeutique : la consultation du dossier médical passe par un praticien professionnel lorsqu’il a été décidé que ne seraient pas communiquées au patient les informations relatives à son état de santé afin de ne pas mettre en péril celui-ci.  

2° Le refus de délivrer une copie : le praticien professionnel peut refuser de délivrer une copie s'il dispose d'indications claires selon lesquelles le patient subit des pressions afin de communiquer une copie de son dossier à des tiers.

Notons qu'à côté de la loi relative aux droits du patient, il est possible de revendiquer sur la base du RGPD l'accès à ses données personnelles concernant la santé auprès de personnes qui ne sont pas visées par le champ d'application de la loi relative aux droits du patient, comme une compagnie d'assurance par exemple.

Lorsque le patient est décédé

(article 9, § 4, de la loi relative aux droits du patient)

L’accès au dossier médical d’un patient décédé peut se révéler utile pour des ayants droit qui entendent établir une erreur médicale ou prouver l’insanité d’esprit de leur auteur en vue de faire annuler des libéralités.

Cet accès est réservé à certains proches limitativement énumérés (il s’agit de l'époux, du partenaire cohabitant légal, du partenaire et des parents jusqu'au deuxième degré inclus) et n’est qu’indirect. Limité à un droit de consultation (et non de copie), il s'effectue par l’intermédiaire d’un praticien professionnel. La demande d’accès doit être suffisamment motivée et spécifiée (la consultation sera limitée aux seuls éléments pertinents eu égard à la motivation de la demande). En outre, le patient ne doit pas s’être expressément opposé à cet accès de son vivant. Cette opposition expresse peut être formulée oralement. Dans ce cas, le médecin a intérêt à noter cette opposition datée dans le dossier du patient.

Ces restrictions se justifient par le fait que l’accès au dossier médical constitue même après le décès du patient une possible violation de sa vie privée et de son intimité. Les intérêts des proches seront mis en balance avec le respect de la vie privée du défunt, cette appréciation étant laissée à la discrétion du médecin.

L’hypothèse de la personne de confiance

(article 9 de la loi relative aux droits du patient)

Le patient capable a la possibilité de se faire assister ou d’exercer son droit de consultation par l’entremise d’une personne qu’il a désignée. La demande écrite ou orale du patient ainsi que l’identité de la personne de confiance désignée sont consignées dans le dossier médical.

La personne de confiance aura accès au dossier dans les mêmes conditions que le patient.

Elle peut être un membre de la famille, un ami proche, un voisin, le médecin de famille ou encore l’avocat du patient. L’avocat veillera toutefois à obtenir une procuration écrite de son client car une telle opération n’est pas couverte par le mandat ad litem. Si la personne de confiance est un praticien professionnel, ce dernier aura accès aux annotations personnelles.

La personne de confiance accepte tacitement d’utiliser les informations obtenues dans le seul intérêt du patient.

Lorsque le patient est mineur

(articles 12 et 15 de la loi relative aux droits du patient)

Le droit de consultation est exercé par les parents titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Le patient mineur est associé en fonction de son âge et de sa maturité.  

Cependant, le praticien professionnel peut rejeter en tout ou en partie, en vue de protéger la vie privée du patient, la demande d’accès des parents/du tuteur.  

Lorsque le patient est incapable

(articles 14 et 15 de la loi relative aux droits du patient)

Lorsqu’un patient est incapable d’exprimer sa volonté et d’exercer ses droits lui-même (soit incapable de droit, soit incapable de fait), ceux-ci sont exercés par un représentant qui sera :

  • en premier ordre, la personne qui a reçu un mandat spécifique préalable (mandat écrit, spécifique, daté et signé ; révocable tant par le patient que par le mandataire) ;
  • en l’absence de mandataire, l’administrateur autorisé par décision du juge de paix ;
  • s’il n’y a ni mandataire ni administrateur, un mandataire « informel ». Le mandataire informel sera l’époux cohabitant/le partenaire cohabitant légal/le partenaire cohabitant de fait ou, s'ils n’interviennent pas ou font défaut, un enfant majeur, un parent, un frère/une sœur majeur.e (en ordre successif).

Comme pour l’enfant mineur, le praticien professionnel peut rejeter en tout ou en partie, en vue de protéger la vie privée du patient, la demande d’accès des personnes visées ci-dessus.

Accès par un professionnel des soins de santé (articles 36 à 40 de la « loi qualité »).

Le consentement préalable, libre et éclairé du patient est le préalable général à tout échange ou à tout accès par un professionnel des soins de santé aux données relatives à la santé tenues à jour par un autre professionnel des soins de santé. Il est possible de refuser le consentement, de retirer à tout moment le consentement donné ou encore d’exclure certains professionnels de celui-ci. Notons qu’en cas d’urgence, lorsqu’il n’est pas possible de solliciter le consentement préalable du patient, le praticien qui doit dispenser des soins de santé nécessaires dans l’intérêt du patient peut solliciter l’accès à son dossier médical, à moins que le patient ne s’y soit préalablement opposé de manière certaine.

Un consentement éclairé signifie que le patient doit être parfaitement informé de ce à quoi il consent et peut donner son accord en toute liberté. Les informations minimales qui doivent être fournies à la personne concernée pour obtenir son consentement éclairé sont l’identité du responsable du traitement, les finalités du traitement, les catégories de données traitées, l’existence du droit de retirer son consentement et, le cas échéant, l’existence d’une prise de décision automatisée et les risques liés à un transfert de données vers un pays tiers.

Le professionnel de la santé qui demande un accès au dossier médical doit pouvoir justifier de l’existence d’une relation thérapeutique entre lui et le patient. La relation thérapeutique, expression large, renvoie à toute relation entre un patient et un professionnel des soins de santé dans le cadre de laquelle des soins sont dispensés, qu’il s’agisse d’actes de diagnostic, de prévention ou de prestation de soins à l’égard du patient. Seuls les praticiens qui sont impliqués dans la dispense de soins au patient peuvent avoir accès à son dossier.

La « loi qualité » soumet l’accès aux données de santé d’un patient par un praticien professionnel au respect de trois conditions :

  • la finalité de l’accès doit consister à dispenser des soins de santé
  • l’accès doit être nécessaire à la continuité et à la qualité des soins de santé dispensés
  • l’accès doit se limiter aux données utiles et pertinentes dans le cadre de la prestation de soins de santé

Notons que le professionnel des soins de santé qui tient le dossier du patient doit prendre les mesures nécessaires afin que le patient puisse savoir quelles personnes ont ou ont eu accès à ses données de santé. Cette mesure vise à renforcer le contrôle/la maîtrise du patient sur le traitement de ses données personnelles.

Accès par le Fonds des accidents médicaux

(loi du 31 mars 2010 relative à la réparation des dommages résultant des soins de santé)

Le Fonds des accidents médicaux peut solliciter du demandeur ou de ses ayants droit, de tous les prestataires de soins qui pourraient être impliqués, ou des prestataires de soins qui ont traité le patient, ou de toute autre personne tous les documents et renseignements qui lui sont nécessaires pour pouvoir apprécier les causes, les circonstances et les conséquences du dommage résultant de soins de santé qui fait l’objet de la demande.

Deux hypothèses particulières sont à relever :

  • Lorsque la personne qui a introduit la demande n’est pas le patient et si celui-ci est vivant, le Fonds n’a accès au dossier du patient que moyennant l’accord exprès de ce dernier ou de son représentant.
  • Lorsque la personne qui a introduit la demande n’est pas le patient et si celui-ci est décédé, le Fonds n’a accès au dossier du patient que moyennant l’accord exprès d’une personne mentionnée à l’article 9, § 4 de la loi relative aux droits du patient. Dans un avis du 25 avril 2015, le Conseil national de l'Ordre des médecins précisait que si le patient s'est opposé de son vivant à un droit d'accès des proches, l'autorisation de la FAM d'accéder au dossier du patient ne peut être accordée.
 

[1] Le Code de déontologie médicale définit le dossier du patient comme « un outil de travail, un moyen de communication, un point de référence qualitatif et un élément de preuve » (article 22). Disponible sur https://ordomedic.be/fr/code-2018.

[2] Dans un avis du 5 juillet 2019, le Conseil national de l’Ordre des médecins indiquait que « dans sa forme commune, le dossier du patient est un outil pour la qualité, la continuité et la coordination des soins ». Disponible sur https://ordomedic.be/fr/avis/duree-de-conservation-des-dossiers-medicaux-medecin-charge-d-une-mission-d-evaluation.

[3] Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, M.B., 26 septembre 2002.

[4] Notons qu’est visé par cette obligation tout praticien amené à réaliser un examen médical dans le cadre de la médecine d’assurance, la médecine du travail ou la médecine légale. Le médecin-conseil d’une mutualité ou exerçant auprès d’une autre institution – comme le Fonds des accidents médicaux ou FEDRIS par exemple – est un « praticien professionnel ».

[5] Notons qu’en milieu hospitalier, le dossier « unique » (qui rassemble le dossier médical au sens strict et le dossier infirmier) est conservé à l’hôpital sous la responsabilité du médecin-chef – articles 20, §1, et 25, §1, de la loi coordonnée sur les hôpitaux et autres établissements de soins du 10 juillet 2008. Dans son avis du 5 juillet 2019 précité, le Conseil national de l’Ordre des médecins précisait que « le médecin qui soigne un patient en son cabinet est le gardien de ce dossier et en assume la conservation. Le dossier hospitalier est quant à lui conservé sous la responsabilité du médecin-chef et non par le médecin hospitalier ».

[6] Loi du 22 avril 2019 relative à la qualité de la pratique des soins de santé, M.B., 14 mai 2019. Cette loi est entrée en vigueur le 1er juillet 2021.

[7] Les articles 7 et 9 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient précisent que le patient a le droit de se faire assister par une personne de confiance désignée par lui ou exercer son droit à l’information/son droit de consultation par l’entremise de celle-ci.

[8] L’exception thérapeutique vise la situation où le praticien professionnel choisit, à titre exceptionnel et après avoir consulté un autre praticien, de ne pas divulguer certaines informations au patient lorsque la communication de celles-ci risque de causer manifestement un préjudice grave à sa santé.

[9] Précisons que l’article 23 du Code de déontologie médicale prévoit que le médecin « accorde au patient l’accès à ses données de santé ».

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